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Impact de la pollution de l’air par des nanotubes de carbone sur la santé

Lettre ouverte à

M. Alain Juppé

Président de Bordeaux Métropole

Bordeaux, le 10 novembre 2015

Objet : Impact de la pollution de l’air par des nanotubes de carbone sur la santé

Monsieur le Président,

Une étude du Laboratoire d’Etude des Techniques et Instruments d’Analyse Moléculaire (LETIAM) de l’Université Paris-Sud a analysé la présence de nanotubes de carbone dans les poumons de 69 jeunes parisiens asthmatiques âgés de 2 à 17 ans. Le résultat est sans appel puisque 100 % des échantillons recueillis présentaient des traces de ces résidus.

A l’aide de différentes méthodes d’analyse, les chercheurs ont observé, y compris à l’intérieur de cellules pulmonaires, des nanotubes de carbone d’un diamètre compris entre 10 et 60 nanomètres, et d’une longueur de plusieurs centaines de nanomètres. Les mêmes que ceux qu’ils ont retrouvés sur des pots d’échappement et dans de la poussière recueillie sur des fenêtres. Des nano-objets très peu naturels, dont la provenance industrielle fait peu de doute, provenant des pots catalytiques des voitures. Voilà qui n'est pas une bonne nouvelle pour la santé publique.

Si la présence de tels résidus avaient déjà été observée dans les voies respiratoires d’individus ayant du subir une exposition massive et accidentelle, c’est la première fois qu’une étude les identifie chez des individus exposés chroniquement à la pollution urbaine.

Les effets des particules fines issues de la combustion des carburants sont aujourd’hui largement connus : selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la pollution de l’air a tué 7 millions de personnes en 2012 et coûte chaque année plus de 100 milliards d’euros à la France.

Menés chez l’animal, «des travaux ont déjà montré que lorsqu’ils sont longs ou qu’ils forment des agrégats, les nanotubes de carbone engendrent des granulomes inflammatoires» à l’intérieur des poumons, pouvant aller jusqu’au cancer, explique Fathi Moussa, professeur de chimie analytique au LETIAM et co-auteur de l’étude. «Ce qui est certain, c’est que ces particules [du fait de leur petite taille] ont une très grande surface spécifique, qui leur permet d’adsorber un très grand nombre de composants» qu’ils côtoient dans l’air (gaz, métaux, autres particules), dont la toxicité serait renforcée par l’effet de concentration. En cela, ces nanotubes pourraient agir comme «nanovecteurs», avance encore Fathi Moussa, qui pointe les nombreuses inconnues quant à leur devenir.

A la Rice University, Lon Wilson, co-auteur de l’étude, se déclare surpris "que ces nanotubes constituent le composant majeur de cette pollution carbonée". Et d’en tirer une conclusion désabusée : "L'ironie de l’histoire, c’est que quand nous travaillons sur des nanotubes de carbone, nous portons des masques de protection pour éviter exactement ce que nous voyons dans ces échantillons !".

Les nanotubes de carbone sont déjà présents dans de nombreux produits de consommation quotidienne comme par exemple les raquettes de tennis, club de golf, pneus ou cadre de vélo de compétition, écrans plats ou composants électroniques, mais aussi systèmes de réfrigération, filtration ou packaging pour produits alimentaires, sans parler des applications militaires (blindages, munitions…).

L’agglomération bordelaise est largement touchée. Selon l’Institut de Veille Sanitaire, plus de 150 morts seraient différées chaque année si l’agglomération bordelaise réduisait la quantité de polluants dans l’air et notre Métropole pourrait économiser jusqu’à 350 millions d’euros.

Lauréate de l’appel à projet national « Ville respirable en cinq ans », il est important que Bordeaux Métropole se saisisse au plus vite de cette question. Je me permets donc de vous solliciter afin de vous demander de bien vouloir faire réaliser une étude similaire sur l’agglomération bordelaise. Je me tiens évidemment à votre entière disposition pour échanger sur le sujet.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'expression de mes sentiments respectueux.

Clément Rossignol-Puech

Conseiller Métropolitain

Président de l’Agence Locale de l’Energie et du Climat

Tag(s) : #Editos - Interventions
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